Comment rater la benne de l'Aiguille du Midi ?

Je savais le plan foireux, le doute était en moi. Mais je n’avais pas le courage de jouer les rabats joie face à cet enthousiasme généralisé.

Je savais que les horaires  du téléphérique de l’Aiguille du Midi, en cette arrière saison, laissaient une fenêtre de tir réduite.
Je savais que sans acclimatation, l’intégrité de mes capacités physiques  allait fondre comme neige au soleil passé l’altitude de 3500m.
Je soupçonnais que n’ayant jamais fait d’alpinisme certains de mes compagnons connaitraient des difficultés.
Je savais qu’à trois cordées nous irions au rythme du plus faible.
Je savais que la descente du Mont Blanc du Tacul, serait non tracée et potentiellement en neige profonde.
Je connaissais la dureté de la remontée à l’Aiguille du Midi et j’avais déjà vécu les retours où malgré la meilleure volonté du monde, l’altitude rappelle cruellement son existence.

Malgré toutes ses expériences et connaissances, j’ai accepté la probabilité forte de rater la benne.

Faire des erreurs peut arriver à chacun, mais les faire en connaissance de causse permet d’en limiter les effets.

Je connaissais déjà la nuit dans les toilettes de l’Aiguille du Midi lors du retour d’une Intégrale de Peuterey qui offrent une salle d’accueil propre chauffée par le sol. Seul bémol le détecteur de présence qui met l’éclairage en permanence.

Je savais que le risque était limité à une nuit blanche et à un repas fait de vivre de course.

Et comme les miracles n’existent pas, ce qui devait arriver, arriva : nous avons raté la benne !
Seuls, Clémentine et Pierre qui ayant pris le large dès la seconde moitié de l’ascension réussirent à avoir la dernière benne.