2 Avril 2022
Comme l’a dit Reinhold Messner: « La montagne n'est ni juste, ni injuste. Elle est dangereuse ».
Si par définition, le danger est quelque chose qui peut éventuellement causer un dommage ; le risque, lui est la probabilité qu'il y ait un préjudice si on s’expose à ce danger.
Effectivement, la montagne est pleine de dangers et les techniques de sécurité de l’alpinisme est le savoir-faire qui permet de gérer les risques générés par ces dangers.
Si le risque est ce qui se passe quand vous prenez une bonne décision qui se termine mal, la chance est ce qui se passe quand vous prenez une mauvaise décision qui se termine bien.
Ainsi, il n’y a pas de malchance, mais uniquement de la chance.
Exemple N°1 :
Lorsque vous prenez la décision de passer sous un sérac dont chacun sait que la propension naturelle et récurrente est de glisser et de s’effondrer ; vous prenez le risque d’être percuté par un bloc de glace. Si vous arrivez indemne après cette traversée, la chance était avec vous ; la chute du sérac étant dans l’ordre des choses.
Descente du glacier des Violettes après une traversée du Pelvoux. Dangers = séracs+ crevasses. Les Risques ?
Dans ma pratique de la montagne, je refuse le concept de malchance. Pour moi, seule la chance existe !
Je ne peux pas partir pour une course en me disant que la malchance peut frapper sans que j’ai choisi le risque que je prends.
Pour moi, la « malchance « est face à un danger, le résultat d’une prise de risque mal évaluée.
Donc j’essaye d’évaluer et de choisir les dangers auxquels, je dois faire face et les risques que je vais rencontrer. Cela en étant bien conscient que la montagne est trop complexe pour que 100 % de mes choix déterminent 100 % des conséquences.
Exemple N° 2 :
Avec ma cordée, je dois traverser une pente de neige raide qui domine une paroi. Le danger de glissade et le risque de chute sont bien présents. Cette même pente de neige est dominée par une autre barre rocheuse d’où des chutes de pierres tombent régulièrement. Là, c’est les risques issus du danger de la chute de pierres qu’il faut anticiper.
Deux solutions s’offrent à moi : traverser avec une assurance corde tendue qui minimise le temps passé, donc l’exposition aux chutes de pierres, mais qui augmente le risque de glissade. Ou inversement, traverser en s’assurant sérieusement en tirant des longueurs et en posant des relais. Ici la glissade n’est plus un danger, mais l’exposition aux chutes de pierres est maximisé.
Si je n’arrive pas de l’autre côté pour suite à un accident, cela sera la preuve de mon mauvais choix.
Si j’arrive sans aucun problème de l’autre côté, cela ne veut pas forcément dire que j’ai fait le bon choix. Ma décision était peut-être mauvaise, mais la chance était avec moi.
Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?
Si l’expérience du risque nous force à admettre avec modestie qu’il y a des éléments que nous ne pouvons pas appréhender, l’expérience de la chance a un effet pernicieux. Elle génère un faux sentiment de maîtrise, car si le résultat est positif, nous pouvons croire que nous avons choisi la bonne stratégie.
Une erreur d’évaluation qui à terme peut fausser notre vision des dangers. Car non seulement, nous allons essayer de répéter le choix chanceux, mais nous allons le faire avec encore plus de confiance .
Il faut sans cesse chercher à appréhender les dangers qui nous entourent, essayer de les analyser, de les comprendre en recherchant des informations à leurs sujets, étudier des accidents en essayant de comprendre le risque négligé qui en est l’origine, remettre en jeu notre analyse à chaque fois qu’un événement imprévu arrive…