21 Novembre 2021
Ludivine n’avait jamais fait de grande voie et souhaitait si confronter.
Pour ma part, depuis longtemps, je voulais remettre les premiers points disparus d’une voie.
Je pensais les deux vœux conciliables.
Sous un ciel gris et bas de ce mois de novembre, nous voila parti dans cette magnifique vallée de la Roanne, terre huguenote des déserts.
Dès la vallée de la Drôme quittée, le ciel se déchire et laisse voir des coins de ciel bleu et passer des rayons de soleil. L’aiguille de St Benoit, perce ce manteau nuageux.
Nous remontons la route en lacets, torture des cyclistes avec ses 10% de pente, en direction de Pennes le sec.
La voiture parquée au départ d’une piste forestière que nous suivons. La marche est courte et agréable, presque horizontale. La piste se termine et est poursuivie par un sentier qui nous amène à une brèche. Un magnifique point de vue sur la vallée de la Roanne.
Cette brèche naturelle mais visiblement agrandie est taillée dans une des deux arêtes où est situé notre projet du jour.
En fait, il y a deux voies, une sur chaque arête.
Sur l’arête de droite, c’est Eve. Une voie avec de belles rondeurs en L1 et une dalle finale de toute beauté ouverte avec le jeune Cédric Tardieu (le fils du père) devenu aujourd’hui guide de haute montagne. 4 longueurs entre 6a et 6c entièrement équipées sur goujons.
Sur l’arête de gauche, c’est Adam. Une voie avec plus de raideurs, plus aérienne. Ouverte avec André Tardieu (le père) entièrement sur coinceurs et avec 4 pitons. Par la suite et avec l’objectif de la rendre plus abordable, nous avons rajouté quelques goujons notamment dans la L1 et éviter la L3 (où nous avons aussi rajouté quelques points) en empruntant l’arête. Les coinceurs restent nécessaires jusqu’au N°1 BD accompagnés de quelques anneaux de sangle. 4 longueurs pour la version en 5c et A0 et 5 longueurs pour la version en 6b (6a obligatoire). Plus d’info sur les topos Promo-Grimpe.
Donc après avoir modifié et compléter l’équipement sur le départ de la voie Adam nous voilà parti !
La L1 démarre par un pas de 6b plus technique que physique. Au vu des deux séances d’escalade de Ludivine, je lui fais grâce des exigences du libre et l’initie à l’escalade artificielle moyennent des anneaux de sangle/pédales sur les points en place et le rajout de coinceurs à tirer.
La L2 facile ne pose pas de problème particulier. Toute concentrée sur son escalade, ce n’est quand en arrivant au relais et se retournent que ma seconde de cordée découvre le vide qui se creuse.
La L3 est la plus spectaculaire, l’arête de plus en plus aérienne s’affine jusqu’au point de présenter un passage en rasoir d’une finesse telle que des doutes sur sa solidité peuvent vous effleurer l’esprit. Lors de notre passage, comme une corde tendue d’instrument de musique, sous la caresse de nos doigts, la lame émet un son cristallin. Concentré à l’extrême jusqu’en perdre son éternel sourire Ludivine me suit, toute en maîtrise de ses émotions et à la recherche d’une solution aux problèmes que lui pose le rocher : dulfer, prises inversées, adhérence ...
Du relais pendu au pied, le regard tourné vers la dernière longueur, je sens un peu d’inquiétude poindre dans ses yeux clairs.
La L4 démarre par un curieux passage en traversée où les pieds sur des plats fuyant, un ventre de rocher cherche à vous repousser vers le vide. Cette sensation est accentuée par le fait que non seulement les prises de mains ne sont pas grosses, mais qu’en plus elles ne sont que verticales.
Ensuite, une grande enjambée au-dessus d’une brèche profonde permet de prendre pied sur le dernier ressaut. La suite est une belle escalade aux points espacés sur des prises verticales.
Il est possible de continuer l’arête jusqu’à sa disparition dans la garrigue. L’escalade y est facile, encombrée de végétation. À faire avec un maximum de parcours à corde tendue.
Pour notre part, nous tirons un rappel dans la gorge qui est à gauche de l’arête (dans le sens de l’ascension). Par sa verticalité, il permet de garder le caractère aérien de la course jusqu’au bout.
Je dois avouer que la descente de cette gorge, mélange de pierrier, d’herbes glissantes et de buis morts, transformés en épineux, à la suite du passage de la pyrale n’est pas des plus plaisants. Mais ce parcourt est court et ramène rapidement au départ de la voie où nous récupérons nos sacs.
Conclusions :
J’ai effectivement rempli mon objectif d’entretien de cette voie. C’était assez simple à faire, il fallait juste que je trouve la motivation. Merci Ludivine de m’avoir donné cette opportunité.
Avec un minuscule bagage de grimpeur, Ludivine s’est retrouvée propulser dans un monde peuplé de manœuvre et de mots dont elle ignorait l’existence : récupération de coinceurs, dulfer, artif, pédale… Malgré ce monde inconnu auquel elle devait faire face, sont manque de technique en escalade, le vide qui longueurs après longueurs ouvrait ses abysses, la fatigue issue d’une tension exacerbée, Ludivine n’a jamais faibli, reprenant son sourire effacé par la concentration dès le relais atteint. Ludivine a fait sa première petite, grande voie de belle façon.
Bravo !