1 Avril 2019
Tentative d’explication de l’accident survenu le dimanche 30 novembre 2003
Manu Ibarra
Vendredi 28/11/03 :
Pose du point par un BE escalade habitué à utiliser ce matériel (expérience de plusieurs centaines de points de ce type posés). Procédure habituelle : choix de la zone rocheuse par contrôle visuel et test sonore au marteau, contrôle de l’homogénéité du rocher lors du percement, évacuation des poussières de rocher (par gravité et goupillon et soufflette), contrôle de l’expansion correcte du point lors du vissage.
Le point posé au plafond supporte une échelle qui sert « d’échafaudage » (technique travail accro.) et permet au BE ( 60 kg) d’équiper la suite (levier de rapport 2 environ sur ce point)
Je prends la suite de l’équipement et me tire vaillamment sur le point (je ne remarque rien d’anormal)
Samedi 29/11/03 :
Les ouvreurs ainsi que d’autres grimpeurs essayent la voie qui s’avère trop difficile. Le point supporte 5 chutes connues. Sur ces 5 grimpeurs qui tombent (chute de facteur 0,3 maxi), 3 sont BE et ne remarquent rien d’anormal.
Dimanche 30/11/03 :
Après contrôle des points de sécurité (resserrage pour contrôle de l’expansion du point) par un spécialiste en travaux accro accompagné d’un BE, lors de la chute de la première compétitrice (dans la même configuration que les grimpeurs de la veille), le point s’arrache.
2. Constats :
Le rocher ne présente aucun signe de rupture même superficiel.
Le trou ainsi que le goujon sont humides et enduits d’une « pâte argileuse ».
Le goujon est en état parfait.
La bague d’expansion des goujons (2) n’est pas arrivée en expansion totale, c’est-à-dire en butée sur le plus gros diamètre du cône d’expansion.
De l’avis de plusieurs témoins, la chute s'est passé en trois temps :
1 : chute tête en bas de la compétitrice.
2 : bref et violent temps d’arrêt qui redresse la compétitrice.
3 : Chute au sol en position « assise » de la compétitrice.
Une histoire similaire serait arrivée dans le Verdon (goujon arraché travaillant de façon axiale dans un rocher à tuf après plusieurs chutes)
3. Je ne peux croire que les 6 BE qui ont mis en place, contrôlés le point et qui sont tombés dessus n’aient rien vu si ce point présenté une quelconque anomalie.
Fort de l’expérience d’une douzaine de compétitions de glace comme ouvreur et juge, ainsi que de la pose de centaines de goujons, en l’état de mes connaissances, je ne vois pas où nous avons commis une faute.
4. Après réflexion, ne pouvant me satisfaire de ces constats voici l’explication que je propose :
lors du perçage du point, le trou a dû « traverser » une micro fissure par laquelle circulaient des infiltrations d’eau, cette eau draine des résidus dissous de roche (phénomène karstique). Chose peu surprenante au vu des formations de calcite du site. De plus la semaine et notamment le jeudi précèdent ce week-end, furent très pluvieux ainsi que le jour de l’accident.
Après la pose du point cette eau remplie l’espace libre entre le rocher et le goujon de cette « pâte argileuse ».
Tous ceux qui utilisent des goujons (surtout en ouverture du bas) connaissent la technique qui consiste dès le placement du goujon au marteau dans son trou, de se pendre dessus sans provoquer l’expansion par vissage. La bague d’expansion adhérant sur les parois du trou, lors d’une traction (par vissage ou suspension) le cône vient en butée dessus. La tenue d’un goujon est « bâtie » sur cette friction de la bague d’expansion sur le rocher. (Voir principe de fonctionnement Doc. SPIT)
Le point placé au plafond travailler uniquement de façon axial et la tige ne pouvez donc « s’auto-verrouillé » par effet de levier longitudinalement lors d’une sollicitation.
Au sujet de l’expansion incomplète du goujon : l’expansion complète de la bague d’expansion n’est que le résultat d’un placement dans un rocher de dureté médiocre, dont la surface ne résiste pas aux contraintes amenées par l’expansion de la bague.
La bague devait donc « tenir » soit sur une « bosse » du diamètre interne du trou soit sur une section de rocher légèrement plus « dur », en position d’expansion médiane. Ce qui a permit au point de retenir plusieurs chutes. Ces chutes ou le resserrage du point (le matin de l’accident) ont fragilisé cette liaison qui à « céder » lors de la chute de la compétitrice. (explication de la chute en trois temps)
La bague d’expansion aurait dû trouver un autre point « d’adhérence » et continuer son expansion jusqu'à arrêt du déplacement (quelques millimètres), mais la « pâte argileuse » à agit comme une « graisse » naturelle et à donc empêcher la friction de la bague d’expansion sur le diamètre interne du trou, provoquant le glissement de l‘ensemble jusqu’à extraction complète. (Raison pour laquelle l’extension du cône n’était pas total).
5. Conclusions :
la première chose que je retiens est que l’escalade est et reste quel que soit le cadre un sport à risque.
La seconde est que personne ne peut garantir la « qualité « d’un matériau naturel comme le rocher et que donc malgré tous nos efforts une pierre peut tomber, une prise casser, voire un point peut céder.
Et surtout, dorénavant, je ne fais plus confiance à un goujon (quel que soit son diamètre) travaillant de façon axiale en zones calcifiées (couennes sur colonnettes de calcite, stalactites, etc.….)