15 Septembre 2020
Un des grands plaisirs de l’alpinisme est celui de la recherche et de la découverte d’un itinéraire. Observer la montagne, en comprendre sa structure, ses faiblesses et ses forces, s’y projeter, imaginer un cheminement, choisir et préparer son matériel, observer la veille du refuge son objectif, effacer les derniers doutes, partir et réaliser pas après pas son rêve, en sont les étapes.
Les alpes n’offrent plus beaucoup de possibilité d’ouverture de courses de difficultés classiques tant la recherche de nouveautés à rayer ses faces, éperons, piliers, couloirs et arêtes, d’itinéraires.
Pour retrouver ce plaisir singulier il vous faudra donc vous contentez de répéter un chef d’œuvre du passé.
La méthode est simple, se limiter dans la prise d’informations. Certes, consultez les topos, mais seulement pour connaître les caractéristiques générales de la course choisie, le tracé global de la ligne et surtout pour découvrir la date et l’identité des premiers ascensionnistes (Gross et Taulgwalder en août 1901, mais le premier parcourt est plus ancien, par Robinson, Kroning et Perren à la descente !)
Alors, compulsez plus longuement un ouvrage historique, essayez de comprendre cette époque, les connaissances d’alors, le matériel et l’état d’esprit de ses hommes là.
Vous y découvrirez que si incontestablement, la montagne est la même, le jeu lui n’est plus le même. Vous avez connaissance de l’itinéraire possible, vous en connaissez même les difficultés, votre matériel est beaucoup plus performant, les secours efficaces mais si vous réussissez à être seuls sur votre objectif et que vous oubliez votre topo au fond de votre poche ; il ne vous reste plus, comme les premiers ascensionnistes, qu’à mettre vos sens en éveil, pour connaître alors ce plaisir simple.
Cette course est un bien beau terrain pour ce jeu-là !
Elle est totalement visible des abords du refuge, vous pourrez ainsi juger de l’état de la montagne, du couloir d’accès à l’arête, de l’enneigement de celle ci et si vous remontez un peu sur la moraine du cheminement possible sur le glacier.
Il est difficile de se perdre sur cette arête si étroite, seuls certains gendarmes, certains passages vous créeront quelques hésitations. En cas d’incertitudes entamant votre marge de sécurité indispensable, vous pourrez toujours faire appel à votre topo. N’oubliez pas : la difficulté de la course doit rester dans un niveau cohérent à celui décrite par le topo.
De plus le rocher y est excellent et l’escalade aérienne est de bonne qualité.
De la cabane de Mountet (2886m) atteinte la veille, prendre un sentier qui remonte la moraine dans le halo des frontales, où il faut retenir son entrain, et doser chaque pas au risque de perdre inutilement ses forces.
La prise de pied sur le glacier peut vous égarer quelque temps au milieu d’un chaos de blocs arrachés par le glacier au flanc de la montagne, le repérage de la veille est là bien venu.
Crampons aux pieds, la progression sur le glacier ne pose pas de problème particulier, si ce n’est un cheminement indirect car en montagne la ligne droite n’est bien souvent pas le plus court chemin. Méfiez-vous des crevasses qui sont belles et bien là sous vos pieds.
Le couloir d’accès à l’arête bien visible du refuge est d’une inclinaison modérée, seule sa rimaye peut opposer une résistance. Ses flancs proposent quelques béquets rocheux propices à l’assurance sur anneaux. De l’arête je ne vous dirai rien ou presque, juste qu’il est bon d’être capable d’estimer la difficulté d’un passage du bas pour ne pas se fourvoyer et que de rares passages méritent que la progression à corde tendue soit stopper pour un système d’assurance plus sûre. Tous les gendarmes se gravissent. Le premier facilement, le second par une cheminée à gauche, le troisième se traverse. Les suivants, soit se gravissent directement, solution un peu plus difficile mais plus belles, soit se contournent par la gauche.
Le sommet atteint, la course comme toujours en montagne n’est pas finie. La courte arête Nord, rocheuse et très aérienne où l’assurance est délicate peu en cas de verglas vous poussez à poser un rappel. La suite vous mène sur une arête de neige qu’il faut négocier par son flanc gauche, pierreux et plus facile.
Lorsque de retour au refuge, la course réalisée dans un élan unique sans raté ni erreur, l’horaire respecté (2 à 3 heures de la cabane de Mountet à l’Arête, puis 2 à 3 heures jusqu’au sommet), vous aurez alors la satisfaction de la maîtrise totale du bel ouvrage.