2 Janvier 2023
Les pieds dans le plat ça éclabousse, mais l’eau fraîche permet de se rafraîchir les idées.
Il y a toujours eu des techniques d'alpinismes enseignées de toute bonne fois qui passaient au crible du temps et de l'évolutions des connaissances apparaissent comme non-opportunes, inefficaces, obsolètes…
Parmi celles-ci, je peux citer :
La résistance à l’utilisation du crampon à glace par les alpinistes du début du 20ème siècle qui préféraient tailler la glace et utiliser des chaussures à clous. Ce qui poussa l’inventeur du crampon moderne : Oscar Eckenstein à organiser la première compétition d’escalade qui fut donc une compétition d’escalade sur glace, pour prouver la supériorité du crampon sur les tricounis.
L’obsession d’Armand Charlet, professeur à l’ENSA qui s’arc-bouta sur la technique de cramponnage pieds à plats dite à la Française contre l’utilisation des pointes avants des crampons à glace et ainsi retarda l’utilisation de cette technique par les alpinistes français alors que nous voisins l’utilisé depuis plus de 30 ans.
La résistance au descendeur de Pierre Alain pour la descente en rappel, qui me permit de me perfectionner dans la descente en rappel en S jusqu’à la brûlure.
La liste est longue et j’en resterais là.
Armand Charlet, pieds à plat et une reconstitution historique de la première ascension de la face nord de l'Eiger en 1938 avec les premiers crampons à pointes avants de Laurent Grivel.
Oscar Eckenstein inventeur du crampon moderne ( sans pointe avant) mais aussi promoteur de l'utilisation du piolet court et de l'escalade de bloc.
Pierre Allain, bleausard de haut niveau, alpiniste percusseur et aussi un inventeur innovant. On lui doit: les chaussons d'escalade ( le fameux PA), le premier mousqueton en alu, le descendeur , le matériel de bivouac ( duvet et sursac),le décrocheur pour descente en rappel sur corde simple....
Voici quelques convictions actuelles qu’il serait bon de passer au crible d’une analyse objective :
- Conviction n° 1 :
Le choix d’une corde multi-label pour les courses d’arêtes :
Actuellement, le choix souvent fait et préconisé pour les courses d’arêtes est la corde multi-label.
L’argument est que cette corde est la solution la plus légère permettant la chute sur arête.
Ce qui est totalement faux. D'abord, il n’existe plus de test sur arête dans les normes européennes et UIAA. Le test sur arête mis en place en 2002 par UIAA a été stoppé en 2005 devant son manque de reproductibilité. Donc, le faite qu’une corde multi-label passe le test de corde à simple ne garantit en rien sa résistance en cas de chute sur l'arête. Elle est simplement plus performante pour retenir de nombreuses chutes en facteur 2 qu’un seul brin de corde à double.
D’après mes échanges avec les fabricants de corde, et pour faire simple, seul un diamètre important offrira plus de résistance à la rupture sur une arête.
Donc une corde multi-label d’un diamètre de 8,5 mm ne fera pas mieux qu’un seul brin de corde à double de 8,5 mm.
Les accidents avec rupture de cordes fines actuelles multi-label ne sont pas un mythe, voici une citation d’un des accidents connu avec une corde multi-label :
« Posté en tant qu’invité par G. S. le 31 août 2012 sur Camp To Camp:
Bonsoir, à tous, je viens de lire tous vos posts et je me permets donc de vous répondre. Tout d’abord, je me présente, je suis guide de haute montagne, instructeur à l’EMHM, et entre autres meilleur ami de Laurent FABRE qui vient de disparaître à l’arête des Papillons… Laurent était guide depuis 1999, très fort alpiniste, personne très expérimentée, il avait fait les Papillons plusieurs fois. Il encadrait un groupe de 3 stagiaires, pour un stage d’autonomie.Il grimpait encordé avec un des stagiaires avec un seul brin de corde Joker. La cordée autonome qui grimpait derrière cette cordée était également encordée sur un seul brin de Joker, ce qui aurait permis aux 2 cordées, en joignant leurs 2 cordes de faire un rappel éventuel… Laurent est tombé (pour une raison inexpliquée et inexplicable) à partir d’une vire, au niveau de la deuxième longueur de la voie. Il avait déjà fait son relais (une sangle sur un becquet) et mis son système d’assurance pour assurer son second de cordée. Mais la corde s’est bloquée non loin de lui au niveau d’une petite brèche. C’est en voulant intervenir en revenant en arrière qu’il est tombé.
Personne n’a rien vu.
La corde, peu servie, quasi-neuve, sans coup de crampons, bien entretenue, est restée bloquée à la brèche, et pendant la chute qui était pendulaire (3/4m environ) la corde a frotté sur une arête de granit (arête à 90°) qui a tranché la corde immédiatement.
Quoi de plus ? Pour moi, Laurent est un des meilleurs, il était en plus en chaussons, il connaissait la voie, il n’y avait pas de défaut sur la corde (ni de fabrication, ni de coup de crampons, ou autre…).
RIP mon lolo…
SEB »
Voir notre ouvrage Roc pages:369 à 381
- Conviction n° 2 :
Les anneaux de buste bloqués par un nœud sur le baudrier :
Cette pratique, qui m’a été enseignée à mes débuts en alpinisme, vient de la nuit des temps « alpinistiques ». En effet, les premiers alpinistes qui utilisèrent la corde comme moyen d’assurage ne connaissaient pas le baudrier. L’encordement était constitué d’un simple tour de corde autour de la taille. En cas de chute, le confort était limité. Ainsi faire travailler les anneaux de buste pour améliorer le bien-être était une opportunité que ne pouvaient pas laisser passer nos aïeux.
Si la recherche de confort n’est plus la recherche de ce type d’encordement à quoi sert-il ? Alors que ce type d’encordement amène d’importantes limites.
Les anneaux de buste ont pour objectif de faire varier la longueur de corde utilisée facilement et rapidement.
C’est utile en marche sur glacier et pour les courses de type voie normale.
Comment libérer la corde nécessaire à la constitution d’un relais et d’un mouflage lorsque vous tenez votre compagnon pendu dans une crevasse par un nœud qui bloque vos anneaux de buste sur le baudrier ?
Sur une voie normale, alors que votre leader s’engage dans un passage délicat et que vous vous apercevez que la longueur de corde est trop courte ; comment libérer de la corde rapidement sans risquer d’être étranglé si votre leader chute ?
La seule façon d’arrêter la corde est de la fixer sur le baudrier sans emprisonner les anneaux. Comment ? Soit par un nœud de cabestan (voir notre bouquin Roc pages 488 et 489), soit en utilisant un Magic Ring).
Anneaux de buste arrêtés par un noeud sur l'encordement : solution à proscrire et anneaux de buste arrêtés sur le baudrier par un noeud de cabestan fait sur un mousqueton directionnel que je conseille !
- Conviction n° 3 :
Le relais dit dynamique sur anneau de corde :
Certains sont convaincus, qu’un relais sérieux ne peut être fait que sur un anneau de corde dynamique ! Honni l’utilisateur de sangle surtout si le mot Dyneema y est associé.
Pourtant un simple questionnement basé sur la connaissance de la physique des cordes d’escalade dites dynamiques devrait amener des doutes sur cette affirmation.
En effet, une corde dynamique est conçue pour absorber un maximum d’énergie dans une situation particulière qui est la chute facteur 2. Partons sur ce cas extrême qui va le plus solliciter le relais en cas de chute du leader. Dans cette situation où la longueur de chute est le double de la longueur la corde sollicitée, la norme impose une force de choc résiduelle maximale de 12 kN. Sur les cordes modernes, les fabricants arrivent à des forces de chocs de l'ordre de 8 kN. Donc avec un anneau de corde de 120 cm voire moins, la hauteur de chute maximale « acceptable « (en supposant que la valeur de 8 kN est acceptable pour le relais) est de 2 X 120 cm soit 2,4 m. Au-delà là de cette hauteur de chute, la valeur de la force de choc grimpe rapidement, car la longueur de l’anneau de corde utilisé au relais, elle ne variant pas, le facteur de chute dépasse alors le facteur 2.
Mais n’oublions pas que la chute du leader est arrêtée par la corde d’assurance. Je ne connais personne qui s’amuse à faire des chutes en facteur 2, ni d’ailleurs en facteur 1 sur un relais sans être encordée sur une corde d’escalade.
Cette réalité amène une autre limite encore plus incompatible avec la supposée dissipation de l’énergie d’une chute par un relais posé sur une corde dynamique. Cette corde d’escalade va, comme expliqué plus haut, transmettre au relais une force de choc résiduelle de 8 kN. Je ne vois pas comment l’anneau de relais qui a une capacité d’absorption maximale calée sur la même valeur que la corde d’encordement va pouvoir encore baisser la force de choc maximale transmise au relais.
Relais, vous avez dit relais ? Que pensez du premier: totalement statique, qui est en réalité sur un seul point avec un second point en sauvegarde. Et du second ?
Conviction n° 4 :
L’assurage dynamique :
L’assurance dynamique est la tarte à la crème du monde de l'escalade. Tous les grimpeurs prétendent maîtriser cette technique qui a pour objectif de faire baisser la force de choc. Pourtant, la réalité est bien différente.
Quelques questions à se poser :
D’abord à quoi sert un assurage dynamique pour une chute en couenne où le facteur de chute est déjà bien inférieur à 1, c’est-à-dire avec des forces de chocs faibles ?
En sachant que le pic de la force de choc se passe en moins d’une demi seconde, combien de grimpeurs sont capables de réagir correctement dans cette fraction de temps ?
Certains grimpeurs pensent qu’allonger la longueur de la corde d’assurance en cas de chute, permet de diminuer la force de choc. C’est bien évidemment faux, car ça rallonge aussi la longueur de chute.
Alors pourquoi, les grimpeurs de couenne sont tous défendeurs d’une assurance dynamique ?
Car ils confondent un effet annexe de l’assurance dynamique qui rend la chute plus facile à appréhender par le "chuteur". L’assurance dynamique rallonge la hauteur de chute. Ce rallongement de la hauteur de chute permet une chute plus longue. Ce temps supplémentaire permet à un grimpeur expérimenté de se positionner de façon optimale pour sa réception. De plus en rallongeant la chute, et en la freinant de manière progressive même au-delà de la fameuse demi seconde, vous baisser la vitesse du "chuteur" et le rayon du balancier qui rabat en fin de chute le grimpeur est plus grand, donc la vitesse radiale est elle aussi plus faible et le contact avec la paroi moins violent. Sans compter que ce temps supplémentaire permet aux chuteurs expérimentés de se placer correctement.
Alors l’assurance dynamique inutile pour baisser la force de choc ?
Lors de tests effectués avec des ingénieurs et des techniciens impliqués dans les commissions de normalisation CE, avec une chute facteur 1 sur un mannequin de crash-test, avec un frein de type Reverso posé sur le relais, corde à simple tenue à deux mains par l’assureur avec des gants. Systématiquement, l’assureur laissait glisser la corde de façon involontaire de 20 à 30 cm. Ainsi comme Monsieur Jourdan, il est courant d’assuré de façon dynamique sans le vouloir.
Si l’assurance dynamique peut être envisagée pour de l’escalade sportive avec un pied de voie adapté, c'est sans beaucoup d’intérêt pour la force de choc, mais plus pour le confort de réception du "chuteur".
Sachez qu’en grandes voies, cascade de glace, alpinisme, partout où la situation de l’assureur ne permet pas de dynamiser l’assurance de façon maîtrisable, il y a de fortes chances que le pic de la force de choc soit en partie écrêtée par le glissement de la corde dans vos mains et votre déplacement lors de la tension de la corde.
Voir notre ouvrage Roc pages : 393,396, 397,535