5 Août 2013
Je ne connaissais pas Mathieu mais je connaissais Bruno.
Bruno au sommet de la Dent du Géant filme!
Bruno, le vidéaste fou, l’œil toujours derrière sa caméra à la recherche du point de vue idéal. Je le côtoie au sein du Club de montagne Densité de Valence. Un groupe de copains plus dans la recherche d’une montagne de plaisir que celles des sommets de la performance alpine.
Comment refuser de participer à son projet par ailleurs sympathique mais un peu nébuleux :
Emmener un non voyant en montagne !
Soit dit en passant le non voyant en personne ni verra pas de mal (elle est bien bonne !) de nommer un chat un chat et de me permettre d’être politiquement incorrecte en parlant d’aveugle et de cécité. Surtout que Mathieu puisque c’est de lui qu’il s’agit ; s’il n’est pas né céciteux (je sais le mot n’existe pas), né pas aussi nécessiteux du cœur.
Mathieu prépare ses affaires à la voiture...
...puis au refuge Torino.
Après de nombreux projets élaborés par Bruno qui me paraissaient un peu compliqués (traversée Miage / Bionnassay / Mt Blanc ; Grand Pic de la Meige….), je proposait l’ascension de la Dent du Géant.
A la Salle à Manger, nous abandonnons les crampons.
Cette course combine de nombreux avantages: pas d’approche grâce au téléphérique ; un refuge au départ de la course ; une première partie de marche glaciaire ; une partie de mixte qui je le savais, serait le point noir ; une escalade où la corde fixe permettrait dans tout les cas de passer ; une descente en rappel et un retour par le même chemin avec le refuge en point de mire qui permettrait un retour tardif.
De plus l’ambiance gazeuse et le cadre glaciaire assureront le coté spectaculaire de la toile de fond alors que l’altitude du sommet nous permettra de franchir la côte mythique des 4000m.
C'est parti!
Mathieux grimpe ( presque tout sans tirer la corde) et Bruno filme.
Le vide bien présent pour Bruno et...
...Antoine ( copain de Mathieu) qui nous accompagne...
... est aussi bien ressenti par Mathieu.
Je découvre Mathieu et son histoire qui bascule lors de la rupture d’une longe de via feratta. Un premier bilan miraculeux : vivant après 30m de chute, un second plus difficil à assumer pour un jeune passionné de montagne : 3 mois de coma artificiel, un an d’hosto et de rééducation, de multiple fractures, de la ferraille plein partout et un nerf optique sérieusement endommagé d’où une vision limitée aux silhouettes en fort contraste.
Sommet!
Si c'était la première ascension de la Dent du Géant pour Mathieu, est-ce la première visite d'un aveugle à la vierge?
Que dire de plus, que la course s’est bien passé, même au de là de mes espérances puisque la montée fut avalée au rythme d’un soi-disant valide bien valide (3h du refuge à la salle à manger et moins de 2h1/2 pour le sommet). Que le problème se révélât dans toute son ampleur à la descente, un détail m’ayant échappé !
Fini les rappels, ya plus qu'a descendre!
Si, à la montée Mathieu arrive par le touché manuel à se faire une image du passage à franchir et à développer une stratégie pour poser ses pieds ; il n’en est rien à la descente. Chaque pas de descente est pour lui un pas dans le vide.
La marche à descendre fait-elle 20 cm, 50cm ou 1 m ? La réception : est-elle un terrain stable, un pierrier piégeant ou de la neige ? Autant de questions sans réponse auxquelles pas à pas je devais répondre.
Car sans cela, il lui est impossible de se projeter dans ce "non-futur", impossible d’élaborer une séquence de mouvements.
La descente fut donc très, très longue…..mais Mathieu en vrai montagnard ne lâcha pas le morceau.
La morale de cet histoire est que les « handicapés » ne le sont pas plus que certains valides, que la force de caractère fait bien plus la différence que la capacité physique… et encore une fois que la montagne est une bien belle école de vie…
Que des banalités qu’il est bien bon de redécouvrir de temps à autre.