16 Septembre 2018
Je fréquente les calanques depuis mes débuts en escalade c'est-à-dire 1975. J’ai vu la fréquentation changer, les pratiques évoluer, les espaces de liberté rétrécir et les voies se patiner. J’ai toujours aimé ce massif et particulièrement les escalades en bord de mer, surtout les traversées. Celles de Casteviel, même si ce ne sont pas les plus difficiles au niveau de l’escalade pure, restent pour moi les plus belles. J’ai donc fréquenté avec assiduité la « Sans Retour », la « Grande Croisière » et la « Tabarly ». Les pratiquant une à une ou les enchainant par deux, à la journée ou sur deux jours, avec bivouac (maintenant interdit) ou en dormant à Cassis, après une approche à pied ou en bateau (maintenant interdit) ; je m’en lasse pas et même à chaque fois un gout « d’y reviens y » me reste en bouche.
J’y reviens donc souvent.
Ce n’est pas l’escalade la plus belle, la plus technique que je trouve ici, c’est l’âme même, les composants profonds de l’escalade dans les grandes faces rocheuses.
Unicité : En quittant le monde et le brouhaha d’Envau, dès le Trou de Canon passé, coincé entre les bleus du ciel et de la mer, j’ai l’impression de passer de l’autre coté du miroir. D’arriver d’un univers de consommation et d’entrer dans un monde d’exception, sauvage, intense et unique où mon passage est un privilège furtif à gagner.
Au départ des rappels de la traversée Sans Retour. Attention et pendules sous les yeux des kayakistes.
Engagement : Dès les fameux rappels acrobatiques de la Sans Retour tirés, dominé par les surplombs bruns de la Bidule, coincé par les vagues battant le pied des rochers et qui empêchent toute fuite par le bas. Les bateaux appartiennent à un autre monde et ne sont que les spectateurs impuissants de nos acrobaties. Je dois sortir de ce labyrinthe en ne comptant que sur moi-même.
La L3 du Fjord en 6b. ( sur la photo N°3, le relais de la L2, nous avons fait relais avant avec le tirage qui en resute.)
Intelligence : Un peu moins maintenant que dans le passé, les goujons inox bornant un peu trop la voie, le cheminement est à construire. Il faut donc comprendre ce monde minéral et suivre l’intelligence des premiers ouvreurs qui ont tiré un fil passant par les faiblesses de la paroi. J’ai du plaisir à trouver la faiblesse d’une face, d’en comprendre sa structure, bien plus qu’à faire une longueur en 7c surtout à coté d’une fissure en 5c.
Renaissance : Une fois sorti sur le plateau de Casteviel, la première vue de la calanque d’Envau, me donne la sensation d’un retour au monde des hommes. Là où nous pouvons vivre, car seule la vie en société nous est possible. Jetant un regard en arrière je laisse les falaises de Castelviel, la Calanque de l’Oule à son inhumanité que j’espère éternelle.
Merci à Ludo pour ses photos !