Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
  le blog manu.ibarra

Alpinisme, escalade, cascade de glace, France, Écosse, Mt Blanc, Oisans, Écosse, Island, Canada.... Les aventures d'un guide de haute montagne.

Est ce qu'en montagne, la malchance existe ?

Comme l’a dit Reinhold Messner: « La montagne n'est ni juste, ni injuste. Elle est dangereuse ».

Si par définition, le danger est quelque chose qui peut éventuellement causer un dommage ; le risque, lui est la probabilité qu'il y ait un préjudice si on s’expose à ce danger.

Effectivement, la montagne est pleine de dangers et les techniques de sécurité de l’alpinisme est le savoir-faire qui permet de gérer les risques générés par ces dangers.

Si le risque est ce qui se passe quand vous prenez une bonne décision qui se termine mal, la chance est ce qui se passe quand vous prenez une mauvaise décision qui se termine bien. 

Ainsi, il n’y a pas de malchance, mais uniquement de la chance.

Traversée des aiguilles du Diable. Où est le danger et quel est le risque?
Traversée des aiguilles du Diable. Où est le danger et quel est le risque?

Traversée des aiguilles du Diable. Où est le danger et quel est le risque?

Exemple N°1 :

Lorsque vous prenez la décision de passer sous un sérac dont chacun sait que la propension naturelle et récurrente est de glisser et de s’effondrer ; vous prenez le risque d’être percuté par un bloc de glace. Si vous arrivez indemne après cette traversée, la chance était avec vous ; la chute du sérac étant dans l’ordre des choses.

Descente du glacier des Violettes après une traversée du Pelvoux. Dangers = séracs+ crevasses. Les Risques ?
Descente du glacier des Violettes après une traversée du Pelvoux. Dangers = séracs+ crevasses. Les Risques ?
Descente du glacier des Violettes après une traversée du Pelvoux. Dangers = séracs+ crevasses. Les Risques ?

Descente du glacier des Violettes après une traversée du Pelvoux. Dangers = séracs+ crevasses. Les Risques ?

Dans ma pratique de la montagne, je refuse le concept de malchance. Pour moi, seule la chance existe !

Je ne peux pas partir pour une course en me disant que la malchance peut frapper sans que j’ai choisi le risque que je prends.

Pour moi, la « malchance «  est face à un danger, le résultat d’une prise de risque mal évaluée.

Donc j’essaye d’évaluer et de choisir les dangers auxquels, je dois faire face et les risques que je vais rencontrer. Cela en étant bien conscient que la montagne est trop complexe pour que 100 % de mes choix déterminent 100 % des conséquences.

Aiguille de Toule. Deux encordements différents, est-ce deux risques différents ?
Aiguille de Toule. Deux encordements différents, est-ce deux risques différents ?

Aiguille de Toule. Deux encordements différents, est-ce deux risques différents ?

Exemple N° 2 :
Avec ma cordée, je dois traverser une pente de neige raide qui domine une paroi. Le danger de glissade et le risque de chute sont bien présents. Cette même pente de neige est dominée par une autre barre rocheuse d’où des chutes de pierres tombent régulièrement. Là, c’est les risques issus du danger de la chute de pierres qu’il faut anticiper.
Deux solutions s’offrent à moi : traverser avec une assurance corde tendue qui minimise le temps passé, donc l’exposition aux chutes de pierres, mais qui augmente le risque de glissade. Ou inversement, traverser en s’assurant sérieusement en tirant des longueurs et en posant des relais. Ici la glissade n’est plus un danger, mais l’exposition aux chutes de pierres est maximisé.

Si je n’arrive pas de l’autre côté pour suite à un accident, cela sera la preuve de mon mauvais choix.
Si j’arrive sans aucun problème de l’autre côté, cela ne veut pas forcément dire que j’ai fait le bon choix. Ma décision était peut-être mauvaise, mais la chance était avec moi.

Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?
Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?
Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?
Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?

Rateau W: approche par le col des Ruillans, arrivée au sommet, descente du sommet, descente du col avec franchissement de la rimaye. Où sont les dangers ?

Si l’expérience du risque nous force à admettre avec modestie qu’il y a des éléments que nous ne pouvons pas appréhender, l’expérience de la chance a un effet pernicieux. Elle génère un faux sentiment de maîtrise, car si le résultat est positif, nous pouvons croire que nous avons choisi la bonne stratégie.
Une erreur d’évaluation qui à terme peut fausser notre vision des dangers. Car non seulement, nous allons essayer de répéter le choix chanceux, mais nous allons le faire avec encore plus de confiance .

 

Il faut sans cesse chercher à appréhender les dangers qui nous entourent, essayer de les analyser, de les comprendre en recherchant des informations à leurs sujets, étudier des accidents en essayant de comprendre le risque négligé qui en est l’origine, remettre en jeu notre analyse à chaque fois qu’un événement imprévu arrive…

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
Merci beaucoup Manu pour cette analyse, très lucide, d'un homme de terrain & d'expérience, à contrepied des "fatalistes malchanceux" qui ont pris le ciel sur la tête alors qu'ils n'avaient rien demandé à personne !!. <br /> J'y reconnais ton grain de sel provocateur, mais ne peut contester que sur le fond, tu as bien raison ! <br /> La montagne ne fait pas de cadeau, et elle est truffée de pièges à déclenchements aléatoires (avalanche, chutes de pierres, crevasses, seracs, mauvais temps).<br /> Passer à travers requiert de la chance, certes mais aussi un oeil affuté pour éviter les pièges de très loin.<br /> <br /> C'est une réflexion que j'avais déjà lue sur les avalanches, disant que :" l'expérience que l'on capitalise (lorsque qu'elles ne se déclenchent pas = ce que tu appelles la chance), est très mauvaise conseillère pour prendre les décisions futures." Car 99 fois sur 100 ça ne déclenche pas, on bâti alors une capitalisation d’expérience (en avalanche) complètement fausse, en s'imaginant que dans cette situation ça tient à 100%, oubliant le côté aléatoire de la chose et passant à côté de l'issue à 1 pour 100 de chance. Le très faible nombre d'expérience accroit encore ce bais. Combien de fois a t-on brassé dans une pente par risque 4??? combien de temps avons nous passé sous un sérac???souvent pas beaucoup...et souvent ça a tenu sinon nous serions mort...ce qui cré un autre biais...le biais du survivant .<br /> Donc oui l’expérience est une vraie pièce à 2 faces comme beaucoup de choses de ce monde, à la fois celle qui vous sauve car elle permet de reconnaitre et d'éviter quelques pièges, à la fois très mauvaise conseillère car elle construit des scénarios "fiables" sur des expériences "probabiliste" et fini par vous rapprocher du scénario de défaillance ! Saleté !<br /> <br /> Encore merci Manu pour ce bel article, Porte toi bien & continue de nous faire rêver, par tes sorties & tes réflexions !
Répondre
M
Merci pour tes réflexions. Il y a aussi un facteur important en montagne ( hiver et été) dont je parle pas. C'est la délégation de décision:<br /> -soit à la cordée qui précédé ( ou la trace visible): ils y vont ou il s'y sont allés alors pourquoi pas nous ?<br /> -soit dans un groupe à celui qui a le plus de "gueule" et par forcément le plus d'expérience.<br /> Mon adage est :"prendre des risques oui mais en toutes conscience !"
T
trés didactique et passionnant mais je pense surtout à l'instar de grands philosophes que la montagne est indifférente
Répondre
J
Chance et malchance sont des visions très anthropologiques.<br /> en maths, il est d'usage de parler de "probabilité d’occurrence".<br /> mais ce qui compte, c'est de s'organiser pour que tout se passe bien !